Cette année, quatre étudiants du parcours TexL (3e année de Licence) de la Faculté de Langues et Cultures Étrangères ont fait un stage pendant le festival Univerciné britannique.
Ils ont notamment interviewé Bill Clark, réalisateur du film Starfish, que les étudiants de ce parcours avaient au préalable sous-titré en cours, écoutez cet interview en cliquant sur le lecteur ci-dessous :
Les étudiants-stagiaires ont également retranscrit les échanges entre Bill Clark et le public suite aux projections du film Starfish :
Compte rendu des Q&A du film Starfish
Mardi 6 décembre (séance débutant à 20h00) et Mercredi 7 décembre (séance débutant à 16h30)
en présence du réalisateur, Bill CLARK.
Bill Clark a d’abord tenu à adresser quelques mots à l’audience. Dans le contexte du BREXIT, surtout lorsque l’on considère que plus de 30 millions de personnes sont vraiment malheureuses du résultat, il trouve que c’est incroyable d’avoir un festival de films britanniques. Avant de répondre aux questions des spectateurs, Bill Clark a insisté sur le fait que le film Starfish traite d’un sujet différent, d’une maladie que lui-même ne comprenait pas forcément bien au départ. En tant que réalisateur, il s’agissait aussi d’un sujet difficile à traiter.
Au départ, Bill Clark pensait que Tom Ray était un homme très malchanceux mais il s’est rendu compte que ce n’était pas du tout le cas. Au Royaume-Uni, il y a plus de 440 000 cas de sepsis. Son intention était donc de montrer aux gens qu’un grand nombre de personnes était touché par le sepsis. Le film se propose donc comme un moyen de communiquer ces faits importants à travers l’histoire particulière de Tom et Nicola Ray, un moyen de permettre plus de prévention sur la reconnaissance des symptômes et sur la prise en charge des patients.
Comment avez-vous connu l’histoire de Tom Ray ?
L’histoire de Tom Ray est une histoire locale, une histoire qui a eu lieu dans la communauté de l’industrie filmique dont Bill Clark fait partie. Bill Clark connaissait Nicola Ray avec laquelle il avait travaillé. À l’époque, il avait simplement entendu dire qu’elle allait épouser un beau jeune homme. Ce n’est que par la suite qu’il a été mis au courant des épreuves terribles auxquelles son mari a été confronté. Avec l’aide de cette communauté, Bill Clark et sa femme se sont mobilisés et ont organisé un dîner de charité pour élever des fonds. Ils y ont emmené Nicola Ray qui a alors fait un discours (celui que l’on voit dans le film) aussi émouvant qu’inspirant. Il a été le point de départ de l’aventure Starfish.
Quelle est l’histoire derrière le titre de « Starfish » (étoile de mer) ?
À l’origine, le titre devait être « Ghost in folk » en référence au sentiment qu’avait Tom Ray d’être invisible mais personne n’était capable de s’en souvenir. En travaillant, Bill Clark écoutait de la musique et a entendu la chanson « Cripples and the Starfish » par Antony and the Johnsons qui l’a poussé à se renseigner sur les étoiles de mer. Il a alors découvert leur capacité à régénérer des parties manquantes donc une capacité à se réinventer qui était également présente chez Tom Ray. Le motif s’est alors greffé à la narration avec l’histoire pour enfant. L’étoile de mer est devenue une sorte de bannière, un symbole pour Tom qui a commencé à écrire sur le sujet. Il a le projet d’écrire ce fameux livre pour enfant en s’inspirant de son expérience personnelle.
Ce nouveau titre plaisait à tout le monde et ce, à tel point que lorsque leurs associés américains ont demandé à changer, l’équipe entière a fait grève pour le conserver. Ils voulaient, en effet, nommer le film « Over the wall ». Pour l’anecdote, il y avait 16 étoiles de mer sur le tournage, seulement 2 ont survécu.
Pourquoi n’y-a-t-il eu aucune réponse à la lettre de la part du père de Tom ?
Le père de Tom Ray était un homme difficile. Ce qui a intéressé Bill Clark est ce chiffre de 97% de décès à cause du sepsis. Qu’est-ce qui motive les gens à rester en vie ? Durant plusieurs années, Bill Clark a interviewé Tom Ray et ses proches et il a découvert que cela tournait beaucoup autour de son père, de son désir d’être un meilleur père qu’avait été le sien. Pour être honnête, on ne sait pas s’il a répondu à la lettre ou si elle a été perdue. On sait en revanche que la sœur de Tom a raconté à leur père tout ce qui lui arrivait. Pour Bill Clark, ce comportement est difficile à comprendre. Il avait alors du succès, il était assez aisé pour les aider. Ce qui en ressort est qu’il s’agissait d’un homme étrange, difficile et froid.
Qu’en est-il du frère et de la sœur de Tom Ray ? Ont-ils apporté leur aide ?
Le frère de Tom est devenu acteur, il a notamment joué dans une série pour adolescents au Royaume-Uni dans laquelle il a été très bon. Il a, par la suite, déménagé en Australie où il est devenu écrivain. Il est cependant tombé dans l’alcool et est à présent décédé. La sœur de Tom est devenue infirmière, elle s’est mariée et vit dans le nord de l’Angleterre. La mère de Tom, Angela, est malheureusement décédée avant la sortie du film.
Ils n’ont jamais aidé Tom. Ils étaient dans des situations financières difficiles. Il faut savoir qu’au Royaume-Uni, il n’y a pas de filet de sécurité pour des cas comme celui de Tom.
Tom Ray est-il vraiment un écrivain ? Si oui, quels sont ses œuvres ?
Oui, il l’est vraiment. Il a écrit trois pièces qui ont été jouées sur la BBC. Actuellement, il est en train d’écrire un livre pour enfin, Starfish, qui est mentionné dans le film. Il est en pleines négociations.
Comment expliquer, de nos jours, que Tom Ray n’ait pu avoir une meilleure reconstruction faciale ?
Dans le film, on n’a pas pu montrer l’ampleur des dégâts du sepsis et du temps nécessaire à la reconstruction. Il faut savoir qu’en réalité, cela a duré de nombreux mois. Tom Ray a dû, par exemple, garder la tête collée contre son épaule pendant 6 mois dans le but d’utiliser les cellules de son épaule pour régénérer celles de son visage.
Quand on lui dit dans le film qu’il ne peut avoir mieux, le vrai Tom Ray avait déjà subi 14 opérations. La réalité est beaucoup plus compliquée que ce que l’on voit dans le film, les différentes opérations de reconstruction sont longues et éprouvantes. À ce moment précis, il était épuisé par tout le processus, c’est pour cette raison qu’ils ont décidé de s’arrêter là.
Le film a t-il provoqué une prise de conscience ? L’État britannique aide t-il à présent davantage ? Y-a t-il des progrès dans la prise en charge des cas de sepsis ?
Oui, le film a eu un impact sur les 6 mois qui ont suivi. Le sepsis est devenu une priorité dans les politiques de santé. Une augmentation de la rapidité pour reconnaître et prendre en charge la maladie a été demandée. Des fonds ont été collectés. Le ministre de la santé, Jeremy Hunt, a parlé du film dans une émission politique et a notamment montré le film au parlement. La situation a clairement changé depuis le film, le sepsis est maintenant au même niveau d’urgence que les maladies cardiaques. Il a été demandé que les patients soient pris en charge en moins d’une heure.
Les médias ont beaucoup aidé à la promotion. Tom et Nicola Ray se sont également beaucoup investis en faisant 19 apparitions à la télévision. Ils ont fait plus de promotion pour le film que les acteurs principaux.
Quelle a été la réaction du public ?
C’est un film à petit budget qui est sorti en même que Docteur Strange alors il n’a forcément pas eu le même impact. Il est tout de même resté en salle pendant 4 semaines et a été projeté dans 85 cinémas. Il y a eu de très bonnes réactions au film, les cinémas l’ont perçu comme important et, par effet d’entraînement et de bouche à oreille, certains cinémas l’ont demandé pour une ou deux séances. Il y a même eu des séances projetées spécialement pour le personnel médical des hôpitaux.
Le film va t-il être distribué en France ?
Cela n’est pas encore prévu. Il n’est sorti au Royaume-Uni que depuis un mois et il est toujours en salle. Il est cependant sorti en Corée du Sud lors du festival de Busan où il a eu un franc succès. La Corée et la Chine ont acheté les droits de diffusion.
Y-a t-il des réactions particulières selon les pays ?
En règle générale, non. On n’a les mêmes types de réactions. Le sepsis n’est pas une maladie très connue par le grand public. Le film a connu, comme chaque film, quelques critiques du point de vue artistique par certains médias mais pas par le grand public. Il y a eu une forte adhésion à laquelle Bill Clark ne s’attendait pas si l’on considère que le film traite d’un sujet difficile. Il y a eu des salles complètes sur plusieurs semaines au Royaume-Uni…
Une anecdote néanmoins : lors du festival de Busan, en Corée, Bill Clark était assis à côté d’une dame qui a réagi de manière très expressive lors de la scène où Nic lance le téléphone et prononce un juron. Il s’est inquiété de la traduction proposée par les sous-titres coréens et a demandé à cette dame, après la séance, si le langage l’avait choquée. La Coréenne a répondu que le langage ne l’avait pas du tout choqué, qu’il y avait beaucoup de jurons en coréen mais qu’aucune femme n’aurait osé raccrocher au nez de sa belle-mère.
Comment le choix des acteurs a t-il été fait ?
Joanne Froggatt qui joue Nicola Ray a été la première à lire le script. Elle a adoré et ils se sont rencontrés pour filmer une scène, celle où Nic est assise par terre et crie sur Tom, pour voir si cela allait coller. Tout s’est très bien passé. Joanne Froggatt s’est beaucoup investie dans le film pour gagner des fonds, sa notoriété grâce à Downton Abbey a beaucoup contribué au film, et elle est devenue co-productrice. Pour le choix de l’acteur qui joue Tom Ray, le film a eu la chance de travailler avec une directrice de casting fantastique, Rose Hubbard, qui a notamment fait le casting pour Le Seigneur des Anneaux et la trilogie des Jason Bourne. Celle ci a proposé Tom Riley qui avait l’âge idéal pour le rôle. Bill Clark aimait son côté passionné mais Tom Riley n’était pas connu pour des films du type de Starfish, plus pour des films à gros budget. Quand on lui a proposé l’acteur, Bill Clark a été regarder certains des premiers films de Tom Riley dans lesquels il avait joué des personnages sombres qui correspondaient à une facette de Tom Ray. Il n’y a plus eu de doute lorsqu’il a constaté l’alchimie entre Tom Riley et Joanne Froggatt.
Quel était le budget pour le film ?
Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, moins de 500 000 £ et 23 jours pour tourner. Ils avaient une fenêtre de tir très restreinte mais ils ont eu beaucoup d’aide bénévole de la communauté.
Est-ce que voir son film, en tant que réalisateur, c’est un peu comme entendre sa voix dans un enregistrement ?
Selon Bill Clark, non, pas vraiment car on voit d’abord le film en de nombreux morceaux durant le montage. On est, cependant, constamment en train de le réévaluer, à se poser la question de comment toucher le public. Il y a toujours des choses qu’il voudrait faire différemment même pour son premier film qu’il a fait il y a dix ans maintenant. Lorsqu’il regarde son film, Bill Clark le fait avec le regard du réalisateur, jamais avec celui du spectateur.
Est-ce qu’il changerait des choses dans Starfish avec le recul ?
Deux choses. La première serait l’ajout d’une très belle scène qu’il avait mise de côté parce qu’il ne l’avait jamais regardée dans le bon sens durant le montage ; mais il n’a pas voulu nous dire laquelle, ni où elle aurait été placée dans le film. La seconde serait l’ajout d’une petite blague à la scène où Tom Ray va chercher le ballon du garçon. En réalité, c’était le ballon de son fils et, lorsque Nicola Ray lui a demandé ce qu’il faisait, il a ajouté une petite blague en disant qu’il allait chercher le ballon parce qu’il lui avait quand même coûté £7.99.
Quels sont les futurs projets de Bill Clark ?
Pour Bill Clark, si on n’est pas passionné par son sujet, tourner un film peut très vite devenir difficile, à la fois douloureux et très exigeant. Après son premier film (Jonathan Toomey: Le miracle de Noël, 2007), il lui a été très difficile d’en choisir un second. Il faut vraiment être passionné. Pour ceux qui veulent, il ne faut pas se laisser décourager. Ces deux films ont été, pour Bill Clark, les meilleurs moments de sa vie. Il faut simplement aussi être réaliste.
Un grand merci à Julie Tinant, Hugo Magyar, Léo Le Bozec et Kassie Baubriau pour leur disponibilité, leur travail et leur implication dans ce festival.