Ginger & Rosa raconte l’histoire poignante de deux adolescentes, au moment délicat du passage de l’enfance à l’âge adulte. Dans les années 1960, à Londres, la Guerre froide laisse planer le doute d’une catastrophe nucléaire.
Au cœur de ce drame, deux jeunes filles incarnent une génération en quête de liberté, toutes deux marquées par une spontanéité éclatante et une espérance confuse. Si leur complicité à l’écran est authentique, c’est la brutalité prodigieuse de leur fracture qui marque durablement les esprits. Ces deux jeunes filles sont à la recherche de leur identité, dans un monde instable. Sensiblement différentes cependant ; si elles sont toutes deux rêveuses, curieuses et engagées, leurs espoirs divergent néanmoins et leurs aventures mettent à mal cette amitié qu’elles espéraient à toute épreuve.
Pour ce faire, l’incroyable Elle Fanning fait preuve d’une sincérité et d’une palette d’émotions absolument saisissantes, permettant au personnage de Ginger de passer aisément de sentiments euphoriques à des instants plus douloureux. La rousse flamboyante se voit entraînée par ses émotions, traînée toujours plus en avant par sa volonté de découvrir et de changer le monde.
La fille de Jane Campion, Alice Englert, déjà vue en héroïne dans Sublimes Créatures de Richard Lagravenese (2013), réussit elle aussi à merveille le passage entre des psychologies opposées malgré un temps de présence à l’écran moindre que sa partenaire. Souvent qualifiée de révélation du film, la jeune actrice tient ce qu’on pourrait appeler le mauvais rôle. Elle le mène cependant avec brio, permettant au spectateur de s’imprégner de ses ambiguïtés, de ses doutes, de ses choix.
Encore une fois, la réalisatrice Sally Potter qui nous avait touchés avec l’adaptation d’Orlando, nous transporte dans un récit dont l’objet reste la construction des êtres. En utilisant le danger nucléaire comme une métaphore de la fin de l’innocence, elle assoie son talent avec brios.
Ayant eu un certain écho dans le monde anglo-saxon, le film n’est cependant pas beaucoup présent dans les salles françaises et étrangères. Sorti en mai dernier, Ginger & Rosa s’inscrit parfaitement dans la logique « lost and found » du festival.
Agnès Duthu & Manon Rousselle