Rencontre avec Hazuan Hashim et Phil Maxwell, les réalisateurs du documentaire From Cable Street to Brick Lane.

A propos de la musique, il y a-t-il une raison particulière pour le choix du morceau final ?
Phil : Ce morceau est très britannique et fonctionne bien avec le discours de fin.

Combien de temps avez-vous mis pour faire le film ?
Hazuan : Deux ans. En 2011 c’était le 75e anniversaire de la Bataille de Cable Street, c’est pourquoi le film est basé sur cet événement.
Phil : On l’a réalisé à l’occasion de cet anniversaire, mais il était vraiment important qu’on le fasse pour pouvoir recueillir les témoignages des personnes qui étaient présentes à ce moment là. Elles sont très âgées et ne seront donc bientôt plus là pour en parler.

Pourquoi avoir choisi l’extrait où la police commente la manifestation de 1936 en disant « qu’il avait beaucoup de monde parce que c’était une belle journée » ?
Phil : La police supportait les fascistes, et pour ne pas montrer son implication après leur défaite elle décide de faire ce commentaire là. Elle doit sauver la face après avoir été débordée par les manifestants antifascistes.

Le portrait de l’Angleterre qui est dressé par le film est assez méconnu. En France on ne connaît pas la Bataille de Cable Street et les luttes contre le fascisme ont été oubliées : on oublie qu’en Angleterre aussi il y avait des mouvements fascistes et que la police les soutenaient. C’est intéressant de voir comment des communautés différentes s’unissent pour lutter ensemble.
Hazuan : Oui, c’est une autre des raisons pour lesquelles on a fait ce film. Dans les médias on ne parle jamais de l’East End de Londres. Ou alors seulement pour parler de Jack l’Eventreur.

Est-ce qu’une diffusion à la télévision ou au cinéma est prévue en Grande-Bretagne ?
Phil : Je ne crois pas que le film passe à la télévision, ce n’est pas le genre. Mais il sera mis en ligne et on va également réaliser une version pédagogique de 30 min pour diffuser dans les écoles. C’est important que les jeunes du quartier connaissent leur histoire.

Comment décrire la communauté de l’East End aujourd’hui ?
Phil : Elle est très multiculturelle et multiraciale. Ce sont des gens de différents milieux qui doivent s’unir pour lutter contre le racisme.
Hazuan : On a voyagé tout autour du monde et tout ce qu’on a pu voir, finalement on le retrouve dans l’East End.

Les gens que vous avez interviewé, ce sont vos voisins ? les gens que vous côtoyez ?
Hazuan : Oui, on habite le quartier depuis très longtemps et dès qu’il y a des festivals, des manifestations ou des rassemblements contre le racisme on y va pour prendre des photos et filmer. C’est comme ça que l’on a fait beaucoup de rencontres.

Est-ce que le fascisme grandit encore ou est-ce qu’il peut être vaincu ?
Phil : C’est justement le message du film que de montrer qu’il continue aujourd’hui. Même si les chemises noires ont été battues en 1936, il existe encore des groupes fascistes. Il faut donc être vigilant et se rendre compte de toutes les façons dont le fascisme s’exprime dans la société.

Sur quoi sera votre prochain film ?
Hazuan : Il sera encore basé dans l’East End. Mais cette fois il traitera de l’immigration des Bangladeshi et des juifs.

Est-ce que vous avez rencontré des leaders fascistes pour le film ?
Hazuan : On ne gaspille pas de pellicule pour eux.
Phil : Ils ne méritent pas d’avoir la parole dans le film.

Avez-vous eu des difficultés de financement ?
Phil : Nous l’avons financé nous-mêmes. On a tout de même eu le soutien financier de deux syndicats : un de professeurs et un de fonctionnaires. Et on a aussi reçu des dons de particuliers, mais cela n’a pas couvert toutes les dépenses du budget.

Propos recueillis par Marina Mendoza Vienne.